Barbara Christol

Démarche artistique

Barbara Christol envisage la création comme un labyrinthe, dans lequel l’artiste avance à la croisée des chemins par tâtonnements, hasards et répétitions, en maintenant son fil conducteur. Pour elle, l’art est et demeure avant tout un jeu. Et elle y joue en utilisant des pratiques à géométrie variable. Oscillant au départ entre la mise en scène tridimensionnelle d’un objet récurrent et la photographie, son goût pour le jeu et la mise en espace évolue rapidement vers un questionnement sur la création artistique envisagée comme un rhizome, où l’artiste opère à partir de « déplacements », le thème central de ses recherches.

Le travail de Barbara Christol se singularise ainsi au fil des années en développant une pratique plastique nomade, adaptable aux conditions de voyages qu’elle effectue seule dans le monde. C’est ainsi que l’artiste réalise des séries de tissages éphémères à partir de pelotes de laine – le même matériau fétiche depuis 25 ans – qu’elle expose dans la nature, dans des lieux institutionnels, des espaces privés. Dans ses peintures et ses dessins, le fil est quant à lui toujours présent soit physiquement, soit par l’usage omniprésent du trait, et c’est par des jeux d’échelle qu’elle vacille entre figuration et abstraction.

Très attachée à l’aspect artisanal de son travail d’artiste, elle utilise principalement des techniques classiques et traditionnelles et des matériaux qu’elle ré-utilise, qu’elle mixe et décline avec des techniques et des outils plus contemporains. A mi-chemin entre Ariane et Pénélope, Barbara Christol tisse et dé-tisse inlassablement son oeuvre.

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Blue Velvet painting 2025 Barbara Christol -light
I wish you were here

Texte critique

Dans un coin de l’atelier, un monticule de pelotes de laine achetées du temps où l’artiste étudiait à Paris, dans un magasin qui cédait son stock, non loin de la Sorbonne. C’était avant la résidence au Chili, avant la collaboration avec la chorégraphe Kirsten Debrock, avant le retour à Nîmes, la ville natale finalement élue territoire de l’atelier. De la laine douce, bleue comme l’enfance. Azur intime, patrie affective – ou plutôt matrie, celle dont parlait Chateaubriand pour décrire ses racines bretonnes. Dans les tableaux, le ciel ne devint bleu qu’au Moyen-Âge, nous a appris l’historien Michel Pastoureau, avec le développement du culte marial. A l’époque, le bleu était considéré comme une couleur chaude, qui élève (symbole royal) et console, par sa lumière. Dans la pratique de Barbara Christol, ce bleu (légèrement délavé, comme par le temps) va venir redessiner les lieux au gré d’une opération de tissage et de détissage ; adoucissant les arêtes d’une table, d’un escalier ; personnalisant les espaces standardisés — comme lors d’une résidence au long cours dans un collège, les élèves ayant été invités à se réapproprier un environnement qui leur est imposé de fait, et que beaucoup ont fini par détester. Pendant le confinement, l’artiste visionne des tutos sur internet à la recherche de nouvelles techniques : elle s’offre alors une maille épaisse, charnue, qui ne cherche pas à tout prix le motif. Suffisamment lâche pour enlacer sans ensevelir. Une couverture – toujours fabriquée avec la même réserve de laine – qui se blottit dans les architectures et dans laquelle le corps se love, qui répare et qui soigne – dans la lignée de Beuys – avant de finalement reprendre sa place dans l’atelier, remplissant le vide, ou plutôt l’absence.

 

I Wish You Were Here

Le bleu surgit aujourd’hui dans les peintures géométriques. Effraction de l’affect dans un univers de noirs mats ou de bruns sableux tirés au cordeau, créant une légère dissonance. Une évolution de la palette qu’accompagne une certaine libération du geste, qui ose des boucles plus organiques, tracées à main levée quand le compas – l’artiste les collectionne – ordonnait jusqu’ici la composition. Les papiers millimétrés (dont les feuilles, là encore, sont conservées bien souvent depuis l’école selon une écologie affective) accueillent un autre registre de sensible, une fragilité nouvelle, porteuse d’une grande vitalité. Dunes, pyramides, jeux arithmétiques, ébauche de villes ou de cosmos s’actionnent, ravivant la mémoire de la couche picturale. Une mémoire vive qui n’est pas de l’archive. Un geste qui s’amplifie en même temps que croît le format du tableau, lui-même contingent de l’espace disponible à l’atelier : un moyen pour Barbara Christol d’apprivoiser le châssis, elle qui dit « aimer le dessin en peinture (celle-ci l’impressionne toujours un peu) et inversement ».

 

Aujourd’hui associée au compositeur et musicien Fabien Tolosa, et en partenariat avec France Alzheimer, elle cherche un langage commun pour dire la maladie – celle de sa mère –, la perte d’identité et la possibilité d’autres présences au monde. Pensée comme nomade, la future installation MEM.MORI réunit des objets et des sons récupérés comme autant de récits autobiographiques sans début ni fin, de souvenirs anonymes, rapiécés ensemble. On sait aujourd’hui, grâce aux neurosciences, que la mémoire n’a pas de siège au sein du cerveau, que le processus d’encodage implique les connexions neuronales – ce réseau tentaculaire – et les échanges chimiques. MEM.MORI fonctionne ainsi, pour et par la mise en circulation, petite usine à fabriquer de l’interaction, point de départ d’un travail de médiation qui s’exportera ensuite dans les hôpitaux, les EPHAD. Une façon de « répondre à ce qui arrive », pour reprendre les mots de Vinciane Despret à propos du programme des « Nouveaux commanditaires ». Une réponse qui pourrait déborder la question. Une fabulation.

 

Céline Piettre (journaliste, La Gazette Drouot)

À Propos

Représentation

Artsper
Singulart

Formations

* Université Panthéon-Sorbonne (Master 1 et 2 Mentions TB – Doctorat Arts 2005-2009), Paris
* Bourses de Recherches d’Etat 2002-2004
* Ateliers de peintres nîmois (Pascal Thouvenin, Jean-Pierre Hébrard)
* Cours des Beaux-Arts de Nîmes (Gérard Moschini)

Biographie

Barbara Christol

Barbara Christol grandit dans les univers artistiques et se passionne dès son plus jeune âge pour la danse, le piano et les arts plastiques. Jeune adulte, elle met de côté gammes et chaussons pour se consacrer à sa dévorante passion : le dessin.

C’est ainsi qu’elle suit une formation aux Beaux-Arts de Nîmes et fréquente par la suite plusieurs ateliers de peintres de sa ville afin de perfectionner ses techniques. Désireuse de mener ses propres recherches plastiques et esthétiques, elle intègre ensuite l’université de La Sorbonne à Paris et rédige une thèse de doctorat sur le “Labyrinthe transitionnel”.

Longtemps définie comme “plasticienne nomade”, ayant vécu plusieurs années entre Paris et Santiago du Chili, Barbara Christol est désormais installée à Nîmes. Elle participe régulièrement à des résidences artistiques et des expositions nationales et internationales (Salon des Beaux Arts à Paris, Symposium de Sculpture au Chili, art fairs au Luxembourg et à la Saatchi Gallery de Londres,  galeries à Madrid et à New-York…). Elle mène par ailleurs des projets en collaboration avec des créateurs issus d’autres domaines artistiques, notamment en danse et en musique.



Portrait de l'artiste peintre Barbara Christol © 2023
À Propos

Représentation

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Formations

* Université Panthéon-Sorbonne (Master 1 et 2 Mentions TB – Doctorat Arts 2005-2009), Paris
* Bourses de Recherches d’Etat 2002-2004
* Ateliers de peintres nîmois (Pascal Thouvenin, Jean-Pierre Hébrard)
* Cours des Beaux-Arts de Nîmes (Gérard Moschini)